Les origines

Dès l'Antiquité, le territoire de l'actuel Portugal fut occupée par les Lusitaniens, des Ibères, passés sous domination de l'Empire romain au IIe siècle av. J.-C. En 27 av. J.-C., Auguste créa une entité administrative autonome, la province de Lusitanie, ainsi détachée du reste de la Péninsule. Évangélisée au IIIe siècle, la région subit les différentes vagues d'invasions barbares : Vandales, Alains puis Suèves s'y succédèrent au Ve siècle. En 585, les Wisigoths réussirent à s'imposer et fondèrent un puissant royaume qui domina l'ensemble de la Péninsule.

Mais les Maures, qui franchirent le détroit de Gibraltar dès 711, mirent un terme à cette domination. Pourtant, ils abandonnèrent bientôt la région située entre le Douro et le Minho, laquelle, autonome jusqu'au XIe siècle, forma le comté de Portugal (tirant son nom de Portucale, place forte romaine située à proximité de l'actuelle ville de Porto). Les autres régions qui devait constituer plus tard le Portugal furent quant à elles fortement marquées par l'influence arabe.

 

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La naissance du royaume portugais

La reconquête

Dès la fin du Xe siècle, les rois des Asturies participèrent activement à la reconquête (Reconquista) des régions occupées par les Arabes : à partir de 1064, Ferdinand Ier le Grand, roi de Castille, puis ses successeurs, entreprirent de reprendre l'ensemble des territoires du sud du Douro. Trente ans plus tard, toutes les régions au nord du Tage étaient arrachées aux Maures : pour y parvenir, certains souverains, comme Alphonse VI le Vaillant, firent même appel à des seigneurs étrangers. En 1095, Henri de Bourgogne reçut de son beau-père Alphonse VI le comté de Portugal et s'attacha dès lors à l'émanciper de la tutelle castillane.

Son fils, Alphonse Ier Henriques, poursuivit son oeuvre : avec l'appui de la noblesse, il put reconquérir les terres reprises par les Maures et faire reconnaître par la Castille l'indépendance du Portugal en se faisant couronner roi en 1143. Les règnes de ses successeurs s'inscrivirent dans cette continuité : Alphonse II le Gros (1211-1223) participa à la bataille décisive de Las Navas de Tolosa (1212) contre les Maures et permit la tenue des premiers Cortes portugais, assemblée composée de représentants de la noblesse et du clergé!; Alphonse III le Boulonnais reprit l'Algarve (1249) et donna au Portugal ses frontières actuelles!; Denis Ier, fondateur de la première université du pays (1290), renforça encore le pouvoir royal, favorisant les activités économiques d'une bourgeoisie urbaine en plein essor.

La crise dynastique

Le XIVe siècle marqua un tournant pour le royaume. En 1348, la Grande Peste amputa le Portugal de 50 p. 100 de sa population, puis en 1383, une grave crise dynastique éclata. Le seul héritier de Ferdinand Ier, dernier représentant de la dynastie bourguignonne, se trouva être sa fille, mariée à Jean Ier de Castille. En 1385, les Cortes, réunis à Coimbra, se montrèrent favorables à une solution nationale et proclamèrent Jean d'Aviz, le frère naturel de Ferdinand Ier, roi de Portugal. Lié à l'Angleterre par son mariage avec Philippa, fille du duc de Lancastre (1387), Jean Ier assura, avec l'appui de mercenaires anglais, l'indépendance de son royaume qu'il fit reconnaître par la Castille (1411). Comme lui, ses successeurs cultivèrent des liens privilégiés avec l'Angleterre et favorisèrent une politique d'expansion coloniale.

 

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L'expansion coloniale

Une politique extérieure audacieuse

La politique de conquêtes menée au XVe siècle répondit principalement à deux objectifs : la croisade contre les musulmans (prise de Ceuta, sur la côte marocaine, en 1415) et la volonté d'expansion territoriale et commerciale. Sous l'impulsion du prince Henri le Navigateur, les Portugais entreprirent la colonisation de Madère (1418) et des Açores (1432), et se lancèrent dans l'exploration de la côte africaine, à la recherche du «!pays de l'or!». Les îles du Cap-Vert furent atteintes en 1460 et les Portugais nouèrent bientôt des relations commerciales avec la Guinée, s'y procurant de précieuses marchandises (or, ivoire, gomme) ainsi que des esclaves. Jean II le Parfait encouragea cette politique : à partir de 1482, les Portugais s'implantèrent en Angola et au Congo!; en 1488, Bartolomeu Dias franchit le cap de Bonne-Espérance, découvrant la route de l'Inde.

Entreprise à la demande de Manuel Ier le Grand, l'expédition de Vasco de Gama permit aux Portugais d'atteindre enfin l'Inde en 1498!; dès 1505, Francisco de Almeida fut nommé vice-roi de l'Inde portugaise dont la zone d'influence s'étendit bientôt à Goa (1510), à Malacca (1511) et à l'archipel des Moluques (1512). Du côté occidental, l'établissement d'une ligne de marcation (1493) et la signature du traité de Tordesillas (1494), définissant les zones d'influences respectives de l'Espagne et du Portugal dans le Nouveau Monde, permirent à Pedro Álvares Cabral de prendre possession, au nom du Portugal, de la «!terre de la Vraie Croix!», le Brésil.

Une politique intérieure autoritaire

Sur le plan intérieur, les souverains portugais affirmèrent leur autorité. En 1525, Jean III le Pieux décida de convoquer les Cortes tous les dix ans, puis en 1531, mit en place le tribunal de l'Inquisition accentuant le climat de fanatisme religieux, préfiguré par l'expulsion des juifs en 1498.

La mort, en 1580, d'Henri le Cardinal sans successeur marqua la fin de la dynastie d'Aviz. Immédiatement, Philippe II d'Espagne, fils et petit-fils de princesses portugaises, qui revendiquait la légitimité de la couronne de Portugal, envahit le royaume et chargea le duc d'Albe d'assurer son administration. Cette union personnelle entre les deux Couronnes, qui assurait en principe une large autonomie au Portugal, fut durement ressentie par la population. En 1640, le représentant du roi d'Espagne fut assassiné par une conjuration conduite par le duc de Bragance, membre d'une famille issue de la branche bourguignonne capétienne. Les Cortes le reconnurent comme roi de Portugal. Il monta sur le trône sous le nom de Jean IV le Fortuné, restaurant ainsi une dynastie nationale.

 

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Le Portugal des Bragance

L'Espagne ne reconnut l'indépendance du Portugal qu'après une longue guerre et en échange de la cession de l'enclave de Ceuta (1668). Entre-temps, Jean IV et ses successeurs avaient dû affronter les Hollandais, qui occupaient leurs possessions dans le nord du Brésil depuis 1624 et en Afrique depuis 1641!; ils en furent chassés en 1654 et en 1648. À la fin du XVIIe siècle, la dynastie royale put asseoir sa puissance grâce à l'or et aux diamants brésiliens qui affluèrent alors à Lisbonne.

En 1703, le traité de Methuen scella une alliance commerciale avec l'Angleterre : en contrepartie de l'assurance de vendre facilement ses vins à Londres — au détriment des vins français — et de l'appui de la Royal Navy, le Portugal et le Brésil s'ouvraient largement aux produits manufacturés anglais.

Joseph Ier, peu intéressé par la politique, délégua son pouvoir à un diplomate, Sebastião de Carvalho e Mello, marquis de Pombal, qui, inspiré par les principes du despotisme éclairé, œuvra au renforcement du pouvoir de l'État : réformes fiscales et commerciales, limitation des pouvoirs de l'Église et expulsion des jésuites (1759). Son règne (1750-1777) fut également marqué par le grand tremblement de terre de Lisbonne de 1755, dont la reconstruction menée par Pombal fut un modèle d'urbanisme. Le ministre fut pourtant congédié par la fille de Joseph Ier, la reine Marie Ire (1777-1816), farouche adversaire de ses méthodes autoritaires et de son anticléricalisme!; son œuvre fut balayée par le retour triomphal des nobles et des jésuites. La censure ecclésiastique fut rétablie et le pouvoir confié au tout-puissant ministre de la Police, Pina Manique.

Le Portugal demeura toutefois l'allié des Britanniques et des coalisés pendant les guerres napoléoniennes. En novembre 1807, les armées de Junot envahirent le pays, opposé au blocus continental, et la maison de Bragance partit trouver refuge au Brésil. Pourtant, comme les Espagnols, les Portugais se révoltèrent contre les occupants français qui furent chassés en 1811 grâce à l'intervention des Britanniques. Jean VI préféra rester au Brésil et confia l'administration du Portugal au duc de Beresford.

 

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La monarchie constitutionnelle

Le régime absolutiste qui avait été instauré fut renversé par un soulèvement militaire à Porto (août 1820), et les Cortes, réunis peu après, réclamèrent le retour du roi. Jean VI rentra à Lisbonne en 1821 et accepta la Constitution libérale votée par les Cortes en 1822. L'indépendance du Brésil, la même année, provoqua des luttes entre les libéraux et les absolutistes, emmenés par Michel, fils cadet du roi Jean VI. À la mort de ce dernier, son fils Pierre Ier, déjà empereur du Brésil, fut désigné roi de Portugal. Il octroya une Charte (1826) qui introduisit une organisation bicamérale et abdiqua en faveur de sa fille Marie, alors âgée de sept ans. Évincée entre 1828 et 1830 par son oncle Michel qui mit en place un régime absolutiste extrêmement sévère, Marie II fut rétablie sur le trône grâce à une révolution, puis à l'intervention de son père rentré du Brésil en 1833. L'année suivante, la Charte, abolie par Michel, fut rétablie.

La vie politique s'organisa alors autour des deux grandes tendances : les chartistes, modérés et partisans d'un régime à deux Chambres, et les «!septembristes!», favorables au rétablissement de la Constitution démocratique de 1822. En 1852, le suffrage direct, sur la base d'un cens très faible, fut introduit, faisant de 25 p. 100 des Portugais des citoyens actifs. Pourtant, malgré une vie politique en apparence parlementaire, la mauvaise gestion des finances publiques empêcha le pays de progresser. Pierre V (1853-1861) et Louis Ier (1861-1889), s'ils connurent les débuts de l'agitation républicaine, purent cependant réaliser quelques réformes importantes, comme la vente des biens du clergé, l'abolition de l'esclavage et la promulgation d'un Code civil. Charles Ier, très impopulaire, tenta d'endiguer le déclin du régime en confiant un pouvoir dictatorial à João Franco. Assassiné en 1908 à Lisbonne avec le prince héritier, il laissa le trône à son deuxième fils, le jeune Manuel II. Ce dernier, décidé à abolir la dictature, fut bientôt renversé par les militaires qui proclamèrent la république le 5 octobre 1910.

 

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La république

Une mise en place difficile

L'Assemblée constituante prit immédiatement un certain nombre de mesures : séparation de l'Église et de l'État, mise en place d'un enseignement laïc et obligatoire, introduction du droit de grève. Dotée d'une Constitution très démocratique en 1911, la république eut du mal à s'imposer face à un courant monarchiste encore puissant et connut de graves difficultés économiques et financières. Les grèves se multiplièrent et le pays dut faire face à une grande instabilité ministérielle (quarante gouvernements entre 1911 et 1926) et à plusieurs reprises à des tentatives de prises de pouvoir royaliste (Paiva Couceiro en 1911 et en 1912) ou dictatorial (général Pimenta de Castro en 1915). Attaqué par l'Allemagne dans ses colonies africaines, le Portugal se rangea aux côtés des Alliés au cours de la Première Guerre mondiale, à partir de mars 1916.

Vers l'Estado novo

Le 28 mai 1926, le général Gomes da Costa souleva la garnison de Braga. Le coup d'État renversa le régime parlementaire, et le général Carmona, élu président de 1928 à sa mort en 1951, instaura une dictature. Dès 1928, il choisit pour ministre des Finances António de Oliveira Salazar, professeur d'économie qui se consacra au rétablissement de l'équilibre budgétaire avant de devenir président du Conseil en 1932.

L'année suivante, une nouvelle Constitution établit un régime corporatiste reposant sur un parti unique, s'appuyant sur l'armée, l'Église et les grands propriétaires. L'Estado novo («!Nouvel État!»), paternaliste et clérical, fut proclamé après un plébiscite tenu le 19 mars 1933. Le 23 septembre de la même année, le Statut national du travail dota le pays d'une structure corporatiste, regroupant les ouvriers dans des syndicats nationaux, et les patrons dans des grémios (bourses patronales)!; le droit de grève fut supprimé dès 1934. La police politique, la PIDE, se chargea de neutraliser toute forme d'opposition au régime, et le Concordat de 1940 renforça l'influence de l'Église catholique sur la société. Allié naturel du franquisme, Salazar maintint pourtant la neutralité portugaise pendant la Seconde Guerre mondiale, et alla jusqu'à autoriser le Royaume-Uni et les États-Unis à utiliser des bases dans les Açores.

Le déclin du régime

Admis dans l'OTAN en 1949, à la faveur de la guerre froide, le Portugal vécut l'après-guerre dans un contexte de troubles économiques et sociaux suivis, dès le début des années 1960, par les premières aspirations à l'indépendance des «!provinces africaines!» : l'Angola (1961), la Guinée-Bissau (1963), le Mozambique (1964).

L'élection présidentielle de 1958 porta à la présidence de la République l'amiral Américo Tomás. Face à lui, le général Humberto Delgado réussit cependant à recueillir 25 p. 100 des suffrages. En juillet 1965, l'amiral Tomás fut réélu dans un climat politique alourdi par des tentatives de soulèvements (1962) et par l'assassinat de Delgado (février 1965). En septembre 1968, Salazar, malade, abandonna ses fonctions de président du Conseil au profit de Marcelo Caetano, théoricien de l'État corporatiste. Sous des apparences de démocratisation et d'assouplissement du régime, il poursuivit la même politique que son prédécesseur. Les troubles coloniaux s'aggravèrent, entraînant le Portugal dans des conflits interminables et révélant plus que jamais le blocage d'un régime autoritaire et archaïque.

 

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La révolution des Œuillets

Quelque temps après l'arrivée de Caetano au pouvoir, diverses tendances d'opposition (radicaux, communistes, socialistes) commencèrent à se faire entendre au Portugal. Le pays, mis au ban des nations, notamment en raison de sa politique coloniale, souffrait de cet isolement diplomatique.

Le 25 avril 1974, les militaires progressistes du Mouvement des forces armées (MFA), lassés de s'enliser dans une guerre coloniale sans issue, organisèrent après quelques semaines d'hésitation un coup d'État brutal qui, au prix de six morts, parvint à mettre fin à quarante-six ans de dictature. Le général António de Spínola, ancien gouverneur de Guinée-Bissau et principal instigateur du coup d'État, porté à la présidence de la junte militaire, fit expulser Caetano vers le Brésil, libérer les prisonniers politiques et abolir la censure. Les anciens agents de la PIDE furent arrêtés et un cessez-le-feu proposé aux nationalistes africains d'Angola, de Guinée-Bissau et du Mozambique. Cette révolution garda le nom de révolution des Œuillets, allusion aux fleurs que les soldats reçurent de la population.

Dans un premier temps, les mouvements de gauche et d'extrême gauche, dont le Parti communiste d'Álvaro Cunhal, tentèrent de s'appuyer sur les militaires les plus à gauche pour mettre en œuvre une politique socialiste. Ils se heurtèrent à l'opposition des agriculteurs, des grands propriétaires terriens et d'une partie de l'armée. Le général de Spínola démissionna en septembre 1974 et, après une tentative de putsch en mars 1975, se réfugia à son tour au Brésil.

Les premières élections constituantes, en avril 1975, donnèrent la majorité aux socialistes, qui recueillirent 37,9 p. 100 des voix!; le Parti communiste reçut 12,5 p. 100 des suffrages. Néanmoins, les partis de gauche et les militaires progressistes ne parvinrent pas à mobiliser une société traditionaliste, marquée par quarante-six ans de «!silence politique!». En octobre 1975, les secteurs conservateurs de l'armée reprirent le contrôle des unités militaires les plus à gauche en démobilisant plusieurs milliers d'hommes. Un mois plus tard, le Premier ministre, le général Vasco Gonçalves, obtint, après des combats et la mise en place d'un état de siège, le renvoi du chef de la sécurité, le commandant Otelo de Carvalho.

 

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Vers un régime démocratique pluraliste

Le pays connut un virage politique complet à partir de 1976. Une Constitution fut approuvée le 21 février 1976, tandis qu'au mois de juin 1977 le général Antonio dos Santos Ramalho Eanes était élu à la présidence avec près de 60 p. 100 des voix. Il confia le pouvoir exécutif au socialiste Mario Soares. La réforme agraire, mise en place en 1974, fut abandonnée et des centaines de milliers d'hectares restitués à leurs propriétaires.

Premier ministre jusqu'en 1978, puis de 1983 à 1985, Soares fut élu président de la République au suffrage universel en 1986. La droite modérée, dirigée par Anibal Cavaco Silva (Premier ministre depuis 1985), étant au pouvoir, le Portugal eut à faire face à dix années de cohabitation, parfois houleuse. Soares soutint une politique de gestion libérale et technocratique, consacra l'intégration de son pays à l'Europe communautaire (1987) et, réélu en 1991, contribua largement à asseoir définitivement la démocratie portugaise.

En octobre 1995, les élections législatives donnèrent la victoire aux socialistes, et António Guterres accéda à la tête du gouvernement. En janvier 1996, Jorge Sampaio, issu du Parti socialiste, fut élu président de la République : les socialistes purent enfin gouverner seuls. Un de leurs premiers gestes fut de signer un pacte de «!concertation sociale!» avec le patronat et les syndicats, augmentant le salaire minimum et diminuant le temps de travail. Aujourd'hui, le gouvernement s'attelle à relever trois défis majeurs : la réforme du système politique (nécessitant une révision de la Constitution)!; la maîtrise du chômage, qui a pratiquement doublé depuis 1992, et touchait en 1995 plus de 7 p. 100 de la population active!; et l'intégration à l'Union économique et monétaire (UEM). Sur ce dernier point, le Portugal, grâce à un plan d'austérité et à une forte reprise, a réussi à satisfaire aux critères de convergence et à être retenu en mars 1998, parmi les onze pays européens devant adhérer à l'UEM. La priorité donnée à l'intégration européenne a rencontré l'assentiment de la majorité de la population et, malgré une politique de rigueur et un taux de chômage toujours élevé, les socialistes ont remporté les élections municipales en décembre 1997.

 

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